Le rêve de la couturière by Pitzorno Bianca

Le rêve de la couturière by Pitzorno Bianca

Auteur:Pitzorno Bianca
Format: epub
Tags: Littérature
Éditeur: Éditions Charleston
Publié: 2023-09-19T00:00:00+00:00


Le médecin n’avait pas encore dit un mot. Je le connaissais, du temps de ma grand-mère, nous étions allées quelques fois chez sa femme pour retourner un manteau. Des gens bien, les Bonetti, mais avec trop d’enfants pour pouvoir se permettre régulièrement de nouveaux vêtements.

« L’Américaine était-elle agitée hier quand tu es partie ? Se plaignait-elle de quelque chose ? ont demandé les policiers.

— Non. Elle était calme. Heureuse. Elle n’avait aucune raison de se tuer.

— Elle n’allait pas te le raconter à toi », m’a interrompue Filomena. Je ne pouvais comprendre son agressivité. J’ai été prise d’un étourdissement. Quelqu’un m’a apporté un verre d’eau.

Entre-temps, le commissaire était arrivé avec un photographe de la police. Il s’est fait répéter comment les choses s’étaient passées. C’est Filomena qui avait trouvé la Miss. Elle a raconté qu’elle avait rendez-vous avec sa patronne à six heures du matin : le train partait à sept heures. Mais elle s’était réveillée brusquement à quatre heures, à la suite d’un mauvais rêve, dans lequel la Miss l’appelait en pleurant. « En général, je n’y crois pas, je ne suis pas superstitieuse. Mais ce rêve était si étrange. Comme si c’était vrai même une fois réveillée. Je me suis levée, et sans déranger mon mari, je suis venue voir. Je vis juste au coin de la rue. » J’ai songé à ma grand-mère et son visage préoccupé au même moment. Elle n’était pas apparue pour me mettre en garde contre l’étudiant, mais pour la Miss, me suis-je dit. Et j’ai immédiatement eu honte ; ce n’était pas des histoires à raconter à un commissaire.

Filomena avait couru jusqu’à la maison de la Miss, et contrairement à l’habitude, avait trouvé la porte fermée à clé. Mais elle en avait un double ; elle l’avait ouverte, était entrée, et avait immédiatement vu le désordre. Une chaussure de sa patronne gisait par terre, retournée, sur le seuil de la penderie. La Miss était dans le salon, assise dans un fauteuil, la tête rejetée en arrière, les yeux fermés, inconsciente, elle poussait un râle.

« Était-elle en chemise de nuit ? a demandé le commissaire.

— Non. Elle portait son ensemble de voyage.

— Elle ne s’était pas encore couchée à quatre heures du matin ! Ou s’était-elle déjà levée et habillée ? »

Filomena a haussé les épaules. Elle n’était pas responsable des étranges habitudes de la Miss. Elle en avait vu d’autres, laissa-t-elle entendre. Elle avait eu peur, et au lieu de secourir sa patronne, elle s’était précipitée dans la rue pour frapper à la porte du docteur Bonetti. Elle était revenue avec lui.

La Miss ne semblait plus respirer, mais il n’y avait pas de traces de sang, a rapporté le médecin, qui avait donc pensé à un évanouissement, ou une crise cardiaque pour laquelle on pouvait encore faire quelque chose. Tous deux l’avaient soulevée et portée jusqu’au lit, le médecin avait ouvert sa veste pour faciliter sa respiration et était tombé sur son corset. Il l’avait également défait et, à sa grande surprise, avait découvert, sur le côté gauche de sa poitrine, un trou de balle.



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